LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Notre vie dans les forêts" - Marie Darrieussecq

"Je veux témoigner. Que c'est possible. Le nomadisme plutôt que l'enfouissement. Même si j'ai froid".

Elle se cache, avec d'autres individus, au cœur d'une forêt. Ils sont accompagnés de leurs "moitiés", comprenez leurs clones, créatures qui jusqu'alors n'avaient vécu qu'allongées, maintenus dans un état de semi-conscience, alimentées par voie artificielle. Des êtres conçus en guise de réservoirs à organes, d'assurance-vie pour ceux dont ils sont la réplique, et dont la santé semble très fragile. Elle-même a le corps qui part en morceaux : après un poumon, puis un rein, elle a perdu un œil...

Elle, c'est Marie. Habitée d'une urgence fébrile, elle nous livre les fragments a priori décousus de ses souvenirs, entrecoupés d'explications obscures sur sa situation présente. Le contexte et le but de son témoignage se révèlent peu à peu, comme les contours du monde qu'ont fui ces réfugiés de la forêt.

Elle nous explique que tout a commencé avec celui qu'elle surnomme son "patient zéro", un "cliqueur" chargé de paramétrer les robots pour les rendre capables d'associations mentales, venu la consulter pour un stress au travail. Car dans sa vie d'avant, Marie était psychologue. Nous ne comprendrons l'importance de ce "patient zéro" qu'à la fin du récit, car la narratrice aura entre-temps, au fil de ses digressions, évoqué sa mère, sa relation avec sa "moitié", l'existence dans une société hyper connectée, où tous vos faits et gestes sont surveillés... il est également question, par allusions, de vagues d'attentats et de disparitions, de la récurrence de catastrophes naturelles, d'une espérance de vie réduite par une pollution galopante, d'un sol sur lequel on ne marche plus, de logements sans fenêtres...

Sans indication sur le lieu ni le moment où se déroule le récit, et ne disposant, pour comprendre cette société, que de la vision d'une narratrice dont le témoignage semble parfois confus, on émerge de cette lecture avec le sentiment d'une vague oppression, et l'étrange sensation d'avoir été conduit dans l'impasse où l'homme sera acculé à payer ses erreurs. 

Avec cette dystopie, Marie Darrieussecq interroge sur l'avenir de l'homme dans une société de l'omni-contrôle technologique, où l'on a perdu le sens et le respect du vivant, où l'être humain et son environnement sont relégués à des fonctions utilitaires.

Un texte étonnant et original.

>> L'avis plus mitigé de Sentinelle

Commentaires

  1. J'ai la nette impression de l'avoir moins bien apprécié que toi. Je l'ai trouvé assez attendu, mais j'ai aimé le sentiment d'urgence, le ton ironique et glaçant à la fois de l'auteure.

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    1. Je n'ai personnellement pas été gênée par les bémols que tu évoques dans ton billet, même si, tu as raison, l'auteur semble un peu "survoler" son sujet. Mais cela aussi finalement, ça m'a plu, cette incertitude dans laquelle elle nous laisse quant au contexte précis de l'histoire, à l'avant...

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    2. Ca m'a plu aussi, cette incertitude quant au contexte de l'histoire, mais ce roman m'a fait aussi penser à une sorte de catalogue de tous les maux de notre société, sans aller vraiment au-delà. Merci pour le lien, je fais de même de mon côté ;-)

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