LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Dade City" - Laurent Sagalovitsch

Relents malsains.

Plusieurs voix se font entendre depuis Dade City, bourgade imaginaire blottie autour d'un lac au charme paisible.

Il y a celle de Nathan, treize ans, en fuite depuis que son monde a basculé, qu'il a vu son père commettre l'impensable.
Il y a celle de la mère de Nathan, Sarah, épouse résignée d'un médecin dont la foi religieuse confine au fanatisme, habitée par une discrète mélancolie.
Il y a, aussi, celle de Gary Manckiewicz, jeune professeur quelque peu exalté, qui, dans les lettres qu'il adresse à son frère Saul, relate son arrivée récente à Dade City, mais pas seulement. Il y évoque également la mort de leur mère, la paralysie de leur père, cette vie qu'il semble avoir fui, qui a provoqué en lui des traumatismes assez forts pour qu'il s'adonne plus que de raison à la boisson.
D'autres protagonistes s'exprimeront, en temps voulu. Assez vite d'ailleurs, puisque le récit se déroule sur quelques jours, selon une chronologie qui fait des allers-retours.

C'est l'arrivée de Gary qui va troubler l'existence en apparence sereine de Dade City... En apparence seulement, car on devine d'emblée une fausseté dans l'enjouement excessif de certains de ses habitants, et le poids d'une forme de culpabilité collective et tragique. Les allusions aux camps de la mort, à un Dieu tantôt considéré comme tout-puissant, tantôt évoqué avec ironie et amertume créent une ambiance sourdement inquiétante, donnent l'impression que la bourgade n'attend qu'un signe, qu'une occasion, pour sombrer dans un inéluctable malheur.

L'intrigue est construite comme un astucieux puzzle dont les pièces, en s'assemblant, apportent sur les événements un nouvel éclairage, chaque protagoniste ne livrant au lecteur qu'une vérité tronquée, souvent déformée par ses émotions, ses fantasmes. "Dade City" se lit comme un roman policier, que l'on dévore pour découvrir au plus vite le fin mot de l'histoire, mais aussi parce que Laurent Sagalovitsch nous attache à ses personnages presque palpables, et sait instaurer une atmosphère par laquelle le lecteur se laisse capturer sans peine...

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