LE RECAPITULATIF DE L'ACTIVITE

"Vie animale" - Justin Torres

Le monde sauvage.

"Vie animale" est comme la succession d'instantanés, d'images prises sur le vif, reflet de l'enfance du narrateur et de ses deux frères, Joël et Manny.
Le narrateur est le plus jeune, et donc le plus bousculé par des frères qui par ailleurs verseraient leur sang pour lui. Le trio forme un bloc soudé, impénétrable, à l'image d'une meute.

L'écriture sèche, heurtée, évoque le caractère sauvage, quasiment primitif, de la fratrie.
La faim, le froid, la peur... ce sont leurs sensations, leurs émotions, accueillies sans analyse ni recul, qui les gouvernent.
L'enfance, ici, n'est ni enjolivée, ni particulièrement célébrée, elle est dépeinte comme le stade pendant lequel l'individu se soumet à la tyrannie de ses besoins et de ses pulsions.

On pressent, entre les lignes, une violence sous-jacente, la virilité misogyne et parfois brutale du père, le genre de virilité ostentatoire qui affole certaines femmes... Lui, c'est la sienne qu'il aime, celle à qui il a fait un premier enfant alors qu'elle n'avait que quatorze ans, celle qui s'échine à nourrir sa famille en endurant un travail de nuit qui lui fait parfois perdre la notion du temps.

Après quelques pages, je me suis demandée, inquiète, si "Une vie animale" n'allait être que ça : une suite de descriptions un peu caricaturales de l'existence de garçons que l'environnement social et familial avait transformés en créatures presque bestiales ?

Mais non, "Vie animale" n'est pas que ça. Assez vite -mais précisons qu'il s'agit d'un très court roman-, on perçoit, derrière la vivacité et la simplicité des épisodes relatés, un petit quelque chose, d'abord presque imperceptible, qui peu à peu prend toute la place... L'émergence d'une sensibilité camouflée sous la violence, d'une fragilité indicible et inacceptable dans ce milieu d'hommes sauvages et brutaux...
  
Voici un roman à l'abord un peu rude, mais qui s'étoffe progressivement, happant le lecteur pour l'entraîner sur les voies troubles et poignantes qu'empruntent ceux qui souhaitent assumer leur différence.

Commentaires

  1. Toi aussi, tu parles merveilleusement bien de ce roman qui a été mon coup de cœur de l'an passé.
    J'attends avec une impatience rare le prochain roman de Torres.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est d'ailleurs ta note à propos de ce roman sur ton blog qui me l'a fait lire.
      Je lirai probablement moi aussi son prochain titre...

      Supprimer
  2. Il m'attend sur le dessus de la pile...

    RépondreSupprimer
  3. Je viens de le terminer ( j'ai réussi à le faire durer deux jours en le cachant sous une pile .....), j'ai vraiment été prise de souffle par la "meute" et l'écriture qui les montre les trois frères, le paps et la Ma, au point de pas voir les aspects caricaturaux que tu évoques !!!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. A la lumière de l'impression finale que j'en ai retirée, je crois que cet aspect caricatural est volontaire, et permet à l'auteur de faire un parallèle entre la brutalité, le machisme de cette "meute", et la grande sensibilité du narrateur.

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Compte tenu des difficultés pour certains d'entre vous à poster des commentaires, je modère, au cas où cela permettrait de résoudre le problème... N'hésitez pas à me faire part de vos retours d'expérience ! Et si vous échouez à poster votre commentaire, déposez-le via le formulaire de contact du blog.